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Mentheour est en boule !
Ecrit par gasnier jc   
01-04-2010
Source : www.sportbreizh.com)
 
Pierre-Henry Menthéour a sollicité la rédaction de sportbreizh.com en proposant ses réflexions, à l’issue d’un week-end sur les circuits Breton. Autant vous le dire tout de suite, si sportbreizh.com et nous diffusons la prose de PHM, c’est bien parce que nous partageons son constat sur certains points.

 «  J’ai quitté le peloton en 1996, après 21 années de compétition. Une éternité. Depuis je travaille comme JRI, journaliste reporter d’images. Plus simplement cameraman. Je voyage pas mal pour tourner des magazines de société et le vélo n’est plus vraiment une priorité pour moi. Pourtant chaque année, je travaille pour Eurosport sur le Tour de France et aussi quelques journées pour France 3,  sur la moto qui couvre les épreuves bretonnes.
Désormais aujourd’hui, avant le départ, j’éprouve un peu le sentiment de ne plus faire partie de ce milieu. C’est un peu vrai dans les faits puisque à part pour le travail je ne vais jamais sur les courses. Après avoir disputé toutes les courses amateurs et professionnelles je ne voulais pas vivre dans la nostalgie. Et sans doute aussi ne pas ressentir l’envie d’y être encore ! Mais je dois dire qu’au fond, j’éprouve encore le désir d’être à la place de ces mecs en cuissard. Mais pas question pourtant de passer pour un "ex" qui joue les vieux guerriers qui a tout vu.
 
Aujourd’hui, je désire écrire sur ce que j’ai vu le samedi 27 mars et le dimanche 28 mars, au grand prix Gilbert Bousquet et aux Boucles Guégonnaises. J’étais aux premières loges puisque je suis sur la moto caméra. Comme d’habitude, j’arrive toujours un peu blasé : pas drôle d’assister sans participer et pourtant, dès le drapeau baissé, je redeviens coureur. Je suis à l’avant, je sens le vent, j’entends les bruits des vélos, je ressens la nervosité de la meute. Je m’y crois ! Comme avant !
 
Pourtant ce fameux week-end, sur la moto, j’ai assisté à deux courses de cadets. A l’arrivée j’étais frustré et furieux. Pourquoi ?
 
J’ai vu et bien vu l’ensemble des coureurs courir comme s’ils n’avaient rien appris tactiquement. Je ne parle pas d’une vraie tactique élaborée mais du simple B.A BA qu’un coureur de moins de 25 ans doit posséder. Au départ des Boucles, après 15 kilomètres de course, un groupe d’une quinzaine  d’unités s’est détaché et a pris 20 secondes. J’ai commencé à filmer puis j’ai demandé à notre pilote de descendre au peloton voir « la gueule des mecs » et observer comment cela s’organisait. Là, grosse surprise ! En tête un ou deux coureurs d’équipes non représentées à l’avant, s’échinaient à rentrer. Aucune organisation et pourtant plusieurs équipes n’avaient aucun coureur à l’avant. Une poursuite cela s’organise ! Quitte à ralentir pour permettre aux équipiers de remonter en tête et là en avant !
 
Comble d’étonnement, les coureurs formaient même une bordure à l’envers ! Le vent venait « trois quart gauche » et eux ont tourné à droite  pendant 10 kilomètres... Incroyable ! Enfin,  l’un d’entre eux a fini par comprendre. Comme devant ils ne s’entendaient pas, les poursuivants sont rentrés. Aussitôt, une nouvelle bordure d’une vingtaine d’hommes s’est formée à l’initiative des équipes étrangères. Les Belges ont fait « mi-route » pour faire la différence, faire exploser le peloton. Toujours pour ceux qui n’y pige goutte cela signifie faire une bordure non pas en occupant toute la chaussée mais seulement la moitié afin que peu de coureurs y prennent place : bien joué ! Mais quand il reste plus de cent kilomètres à parcourir,  n’être que six ou sept, c’est bien peu. Mais bon, j’imaginais que les descendants des Merckx, Raas et consorts allaient très vite ouvrir cette bordure sur toute sa largeur! Normal ! Quand on veut creuser l'écart tout de suite, on oblige tout le monde à participer ou en tous cas on mesure la détermination des présents en leur offrant la possibilité de tourner, de s’unir, de rouler à bloc au moins vingt bornes, histoire de prendre une belle avance et de décourager les poursuivants. Si certains veulent profiter de l’aubaine sans participer à l’œuvre collective il existe une méthode : placer un coureur expérimenté en queue de bordure. Celui-ci que l’on nomme le portier (le bien nommé) empêche tous ceux qui filochent sans participer de rentrer dans la bordure. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, ceux-là sont éjectés « rapido ». A ce moment-là on se jette à corps perdus dans la lutte. Comme si les vingt prochains kilomètres étaient les derniers. L’important est de faire le « break ». Tuer la résistance qui existe encore chez les piégés à l’arrière. Ensuite, quand l’avance est conséquente et que la course se joue dans ce groupe, on peut s’expliquer et revoir les conditions de l’union établie pour s’échapper ! La course prend une autre tournure, moins collective ! C’est alors une autre guerre…
 
Bref, tout cela, c’était avant ! Tout était pensé. Du moins, chez beaucoup de coureurs. Dimanche dernier, rien de tout cela. Le peloton ne s’est jamais réellement organisé et devant, à part deux ou trois individualités, c’était pire. Les Belges ont voulu prendre la course à leur compte : mi route… Pourtant, même eux n’ont jamais mis les moyens dans cette tactique. Ils ont placé au maximum trois coureurs dans cette bordure sur huit (puisque mi route n’autorise pas plus de coureurs faute de place). Pour que cela marche, il aurait fallu jouer aux Raleigh : dans les années 80, toute l’équipe faisait exploser le peloton ! Dimanche, le champion de Belgique avait l’air d’être le patron. Il n’a pourtant jamais mis ses équipiers devant « au taquet». Des coureurs de différentes équipes représentées venaient même relayer, sans être organisé.  Le pire c’est que tous les autres, bretons et autres ont accepté de se faire mettre dans la « caillasse » sans broncher, pendant trente bornes… J’étais furax ! Tous étaient soumis aux flahutes ! Il aurait suffi d’ouvrir une nouvelle bordure, de laisser les étrangers faire comme ils voulaient de leur côté. D’ailleurs, ils auraient radiné dare-dare si cela s’était fait. Du coup, le groupe  a pris trente seconde puis une minute sans vraiment creuser l’écart. Vous me direz : « Oui mais ils ont été au bout ! » Oui, certes… Mais bon Dieu, quelle course ennuyeuse vue de ma moto.
 
Que s’est-il passé en moins de quinze ans pour que des premières catés se mettent à rouler sans réfléchir, sans utiliser ce qui faisait la différence entre un bœuf et un joueur d’échec ? Dimanche, le plus fort a gagné. Dommage qu’aucun autre n’ait tenté de faire fonctionner ses méninges : il aurait peut-être eu la chance de tirer les marrons du feu Il m’était agréable, à moi, de gagner quand je n’étais pas le meilleur.
 
Alors critiquer pour critiquer ce n’est pas vraiment la solution. Il faut pouvoir expliquer. J’ai une analyse. Pas forcément la bonne mais ça va me calmer :
 
Il y a une époque (nostalgie…) où quand un jeune passait de junior en senior, il courrait avec des « Hommes ». Des coureurs physiquement matures et confirmés qui avaient été pro ou qui en tous cas avaient roulé leur bosse en équipe de France. En ces temps, le peloton était moins mondialisé… Mais les Russes, les Allemands de l’Est, les Pollacks et autres, c’étaient  ce qui se faisait de mieux en amateur ! Bref, les jeunes français se frottaient à des coureurs chevronnés, expérimentés, qui maîtrisaient la tactique comme les  pros. Quand ces jeunes français n’étaient pas sur des épreuves internationales (Granitiers Bretons, Course de la paix, Tour du Vaucluse, Tour de la Sarthe et j’en passe), ils rencontraient sur des critériums des ex pros passés maître dans l’art de la guerre à vélo. Bref, ils apprenaient comment courir. D’ailleurs, il fallait très vite réfléchir et comprendre, si on voulait progresser. Face aux mafias, (j’entends déjà les cris de certains) il fallait percuter ! Et quand un jeune leur posait des problèmes existentiels ils avaient l’intelligence de l’intégrer et de lui apprendre « la science  de la course ». J’ai eu cette chance. Oui ! JE DIS BIEN CETTE CHANCE !
 
Mon parrain, celui qui m’a tout appris, s’appelait Yves Ravaleu. Croyez-moi, être au contact de coureurs de trente ans et plus et savoir que vous n’avez pas droit à l’erreur, cela vous rend vigilant. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si dimanche dernier, le seul qui ait tenté d’ouvrir cette maudite bordure à l’avant fut son fils Stéphane. Il fut à bonne école. A deux reprises, je l’ai vu faire mais personne n’a rien compris à la manœuvre.
 
Voilà, je ne vais pas vous raconter ma vie ; ça n’est pas le propos. D’autant que certains ne manqueront pas de me rappeler que ces mafias faisaient partie d’un système incluant aussi bien d’autres maux comme le dopage ! Je crois pouvoir m’exprimer là-dessus : j’ai payé pour pouvoir l’ouvrir en rendant un record de l’heure, non 
 
Il faut aussi rajouter qu’aujourd’hui on ne court plus avec des vieux coureurs qui avaient à transmettre. « On » les a éjecté du système. Pas  maîtrisable ces rebelles. Aujourd’hui on court entre jeunes. Entre espoirs de moins de 23 ans. Comment apprendre quand on ne sait rien ? Doucement et plus lentement qu’avec un maître. Aujourd’hui on apprend seulement quand on devient pro. L’intelligence en course, un coureur ne la détient pas de façon innée. Elle s’installe petit à petit en répétant les situations de course. Sans tuteur cela prends des années. Avec  des exemples qu’étaient les anciens deux suffisaient. L’adage « baisse la tête, t’auras l’air d’un coureur » m’a toujours paru aberrant. La course c’est aussi une partie d’échec. Le plus fort est souvent celui qui a plusieurs coups d’avance.
 
Enfin, rajoutons que cette maudite oreillette a fait bien des ravages. Si les coureurs ne savent plus quoi faire dans les moments cruciaux d’une épreuve, c’est bien la faute de ces écouteurs ! Et maintenant qu’ils ne les ont plus, ils ne savent plus que faire… J’ai assisté à un Tro Bro, il y a quelques années. J’étais dans la voiture d’un illustre directeur sportif. Je l’ai vu et entendu indiquer à ces coureurs d’où venait le vent, quand le parcours allait prendre une nouvelle direction, quand se replacer et même quand manger !!! Tout est dit… On a tout changé en moins de 20 ans. Des changements qui ont bouleversé ce sport. Certains ont été décisifs comme la lutte contre le dopage : il fallait le faire. D’autres ont été moins « heureux ».
 
Ecarter les coureurs de plus de trente ans, multiplier les courses en lignes et  faire disparaître les critériums pour les premières catés… Voilà des décisions catastrophiques pour le haut niveau et pour le public. Ah le public ! A ce propos un organisateur de ce fameux week-end m’a dit : Il ne faut pas faire un circuit trop dur pour permettre à un maximum de coureurs d’arriver au circuit ! Le public veut voir le peloton ! Wahoo ! Le nivellement par le bas, quoi. Le public veut voir les gars "la gueule en travers", des mecs qui se battent ! On veut quoi, une arrivée au sprint ou une lutte au couteau ? Personnellement mon choix est fait...

 

Je ne voudrais pas être un oiseau de mauvais augure et je n’ai aucune proposition ni suggestion à offrir quand bien même « on » me le demanderait. Je voulais juste vous dire : ça craint ! Faites quelque chose Messieurs  les décideurs qui dirigent et qui n’ont jamais borduré pour de vrai… »
 
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